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QUE DEVIENDRA-T-ELLE? .

COMÉDIE-ANECDOTIQUE, EN DEUX ACTES ET EN PROSE,

MÊLÉE DE VAUDEVILLES}

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Par J. B. Radet.

Représentée, pour la première fois, sur le théâtre*tfi>\% du Vaudeville , le 28 frimaire, an 10. '*. ;

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A PARIS,

Chez Barba , libraire , Palais du Tribunat, galerie derrière le Théâtre Français de la République , u°. 5i. Et au Théâtre du Vaudeville.

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PERSONNAGES.

ACTEURS. V

MOLTEN, riche négociant. Lenoble.

(Très-franc et un peu brusque.) GOUTMANN, maître d'hôtel garni. Hyppoliêe.

Mad. GOUTMANN , sa belle-sœur. Mlle Delisle.

(Maîtresse du café , jalouse et bahilllarde .) LEBOXJX ? garçon de café , associé et

amant de madame Goutmann. Carpentier.

(Fat subalterne.) IDA , servante du café. Ml*e Desmares

(Douce, sensible et ingénue.) + CATHERINE , pauvre femme. Mlle Bodin.

f DOMINIQUE , petit garçon d'une dixaine

d'année, fils de Catherine. Frédéric.

( Vif et drôle de corps.)

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^*^

La scène est à Berlin. %

Vi

IDA,

O U

EVIENDRA-T-ELLE?

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente un café. SCENE PREMIERE.

( Au lever du rideau 9 on voit Ledoux arrangeant la salle. Il va écouter à la porte qui donne dans V intérieur de la maison. ) LEDOUX, seul 7 gaîment 5 tout ce qui tient à son inconstance.

t) ' a i cru entendre... non , personne n'est encore descendu, il est trop matin... Je voudrais que la jolie petite servante , qui n'est ici que depuis quelques jours , descendit la pre- mière. . . Elle paraît timide et même un peu farouche. . . Eh bien , j'aimerais mieux ses rigueurs que toutes les préve- nances de la bourgeoise. . . . Qui m'eût dit , quand j'arri- vai à Berlin , et que je devins amoureux de la maitresse de ce café , qu'un an après , cet amour - serait tout-à-fait éteint !... Qui m'eût dit cela? parbleu ! un français , un com- patriote. . . . Cette chère madame Goutmann , je la trouvais charmante alors ; son babil m'amusait : je la quittais le moins possible , et quand des importuns troublaient nos tète-à-tête, j'en avais beaucoup d'humeur... Heureux teins !... et aujour- d'hui , quelle différence !... Non seulement je ne la cherche plus , mais je tremble toujours de me trouver seul avec elle... C'est un changement un peu trop prononcé , et je crois vrai- ment que je suis dans mon tort.

4 IDA,

Air nouveau , ou vaud. de M. Guillaume»

De tems en tems , je sens ma conscience,

Me reprocher trop de froideur ;

Alors , je veux, par bienséance,

Montrer encor un peu d'ardeur. D'être éloquant en vain je me propose :

Au beau milieu de l'entretien , Lorsque l'esprit veut prouver quelque chose ,

Le cœur ne dit plus rien. bis.

Et c'est embarrassant... mais n'importe. Même air.

Un beau matin , pour finir avec elle ,

Nous nous marirons tout-à-coup ;

Si je la vois un peu moins belle ,

Je la vois riche , et c'est beaucoup. Quand il faudra terminer l'aventure ,

En épouseur intelligent , Par la pensée , auprès de sa figure ,

Je mettrai son argent. bis.

Et l'un fait toujours passer l'autre. . . . Ah ! ah ! déjà du monde... c'est de bonne heure.

SCENE IL

LEDOUX, MOLTEN.

m o l t en, se plaçant à une table*

Du chocolat.

E e i> o u x. Monsieur , il n'y en a pas encore de fait, m o E T E N.

Qu'on en fasse.

E E D O U X.

En attendant , voici la gazette de la cour*

M O L T E N.

Une pipe.

LEDOUX.

Voilà l'une et l'autre. ( il lui sert , sur un petit plateau , une pipe , du tabac à fumer et une bougie allumée*^

m o L T e N. Vite , du chocolat.

COMEDIE.

SCENE III.

Les précédens , Mad. GOUTMANN.

Mad. G o u t M A N N*£ en peignoir. Eh bien ! monsieur n'est pas servi. . . . Servez donc mon- iteur.

iEDoux, avec humeur. Un moment , madame Goutmann , un moment.

Mad. GOUTMANN.

Dépêchez... j'ai à vous parler.

LEDoux,e/z s'en allant. Vous savez bien qu'il faut que je sorte , ce matin.

«■'■ ' ' ■■■■ ■» " ' ' ' ' ' ' \in\mm

SCENE IV.

M O L T E N , Mad. GOUTMANN.

Mad. goutmann, avec aigreur.

En vérité , c'est une gageure : bientôt cet homme-là ne trouvera plus le tems de me parler 5 c'est , chaque jour , nou- velle affaire , nouvelle distraction : j'ai déjà cru voir qu'il regardait la petite servante avec beaucoup d'intérêt $ elle est jeune , passablement jolie , et , à la première occasion , il fau- dra la renvoyer.

( abordant Molten , d'un air doux. )

Votre servante , monsieur. ... Je vous demande pardon ; vous attendrez un peu , il est si matin !... Monsieur n'est ja- mais venu chez moi... Non , je ne me rappelle pas. . . Mon- sieur n'est peut-être pas de Berlin ?

molten, arrangeant sa pipe.

Le maître du Lion-d'Or, je suis logé , assure que votre chocolat vaut mieux que celui des autres cafés de cette ville.

Mad. GOUTMANN.

Oh ! certes , il n'y a pas de comparaison. . . . tous les jours on m'en fait compliment.

MOLTEN.

" Je ne vous en ferai pas > moi , ce n'est pas mon usage.

6 IDA,

Mad. g o u t m a N n , à part. Quel est donc cet original ? ( haut. ) Ah ! monsieur loge au Lion-*d'Or , chez mon parent.

M O L T B K.

Oui , il prétend que voire êtes sa belle-sœur.

Mad. goutmann, observant Molten.

Hélas ! feu mon mari était son frère... Et mais , j'y suis... Oh ! c'est sûrement de vous que mon beau-irère m'a parlé... monsieur Molten.

MOLTEN.

C'est mon nom.

Mad. go u t m* a N n , d'un débit très-vif.

Riche négociant de Breslau , vous allez épouser une jeune demoiselle que vous n'avez jamais vue , et qui doit arriver exprès d'Hambourg , avec son oncle , votre ami in- time , vous êtes à Berlin depuis quinze jours , \ous y faites faire les habits de noces , les bijoux... molten.

Votre frère vous a conté tout cela ?

Mad. goût- mann, avec chaleur.

Ah ! monsieur , il n'y a sorte de bien qu'il ne dise de vous } il vante votre bonté , votre générosité , votre caractère qu'il dit un peu original : cependant , il ne conçoit pas que vous ayez pu vous déterminer à épouser une femme sans la con- naître.

MOLTEN.

Mon ami me répond d'elle , et cela me suffit.

Mad. GouTMANN?e# bavarde le reste de ta scène.

Monsieur fait très-bien de se marier 5 il faut une femme à la tête d'une maison pour commander, ordonner la dépense , régler les comptes , dirriger les domestiques : oui , la moins bonne ménagère est encore utile pour y établir la propreté , l'ordre et l'arrangement.

molten, gravement.

Je suis de votre avis.

Mad. G O U T M A N N.

En vérité , plus j'y pense , et moins je devine pourquoi mon beau-frère ne trouve pas votre mariage une chose toute sim-

COMÉDIE. 7

pie ; lui , qui me répète sans cesse que j'ai tort de rester aussi long-tenis veuve , qu'une femme comme moi ne peut se passer d'un mari, et mille autres propos^ mais le cher Goutmann n'attache aucune idée à ce qu'il dit} c'est une pauvre tête^ un génie étroit , un petit esprit , et un grand bavard. m o L t E N. Ne serait-ce pas une maladie de famille ?

Mad. GOUTMANN.

Effectivement , feu mon mari aimait terriblement à par- ler 5 je lui en faisais souvent des reproches , et j'avais raison, car rien n'est insupportable dans la société comme les gens avec lesquels il est impossible de placer un mot , et qui par- lent de tout à tort et à travers.

m o l t e n , à part.

Je crois entendre une pie crier contre la couleur noire. Mad. goutmann, soupirant.

Malheureusement c'est un défaut qui devient tous les jours plus commun. Quant à moi , je l'évite avec la plus grande attention ? et, certes , on ne me reprochera pas de trop par- ler.

m o l t e n , à part.

Voilà une femme qui se connaît et cela fait plaisir, (haut.) Voudriez-vous voir si le chocolat...

Mad. GOUTMANN,

Un peu de patience , cela ne tardera pas... Nos pratiques ne viennent pas si matin 5 mais en attendant, je ne vous lais- serai pas seul , je connais la politesse , et , grâce au ciel , les soins , les attentions , les prévenances ne me coûtent rien. m o L t e N.

Tant^is. Je n'aime pas les gens si empressés.

Mad. GOUTMANN.

Personne ne s'en plaint , et les étrangers...

m o L T E N.

Reçoivent beaucoup de complimens en face , et force rail- leries quand ils ont tourné le- dos -, c'est la règle.

Mad. GOUTMANN.

Ah ! monsieur , ce reproche ne peut pas me regarder, et vous le savez bien.

& IDA,

Aîr : Vàud. du Jockey.

Mon beai^ère, en parlant de moi, Vous aura cité ma franchise , Ma loyauté , ma bonne foi , Et ma bonté que rien n'épuise : Il a vanté mon bon esprit , La douceur de mon caractère...

M O L T E N.

Non, madame , mais il m'a dit Précisément tout le contraire.

Mad. GOUTMANN.

Vous plaisantez , sans doute.

M O JL T E^N.

Je ne plaisante jamais, sur-tout quand je m'impatiente.... Ce chocolat enfin...

Mad. GOUTMANN.

Oui , monsieur , il doit être prêt.- (elle appelle.) Ida... Ida. . . c'est ma servante. . . Je vais vous l'envoyer; ensuite j'irai faire un peu de toilette , car il faut cela dans notre état : la tournure , l'élégance de la maîtresse d'un café sont très- nécessaire à la prospérité de sa maison... Mais , dieu merci , ce n'est pas ce qui me manque.

molten,£z part , et se levant d'impatience.

Peste soit de la bavarde !

Mad. GOUTMANN.

Air <: Enchanté de V amusement* ( Voltaire. )

Dans Berlin , sans trop me vanter , Pour le ton et pour les manières , Je me flatte de l'emporter Sur toutes nos limonadières ;

En parure, comme en tout ,

On me remarque par-tout ; Je me mets avec tant de goût,

Que souvent, ne vous déplaise , On me prend pour une française. bis.

( Ida paraît. ) Allons , mademoiselle , servez promptement ? lestement , proprement , et que rien ne manque à monsieur. ( elle sort en parlant jusques dans la coulisse ) J'ai encore des ordres à donner, voyons d'abord si le café...

COMEDIE 9

M O L T E N.

Enfin , m'en voilà débarrassé. ( il se remet à sa table. )

■■■■■■■■■ ,.,.,■ mi i :~*

SCENE V. M O L T E N , IDA. ( Elle porte un plateau , sur lequel sont le chocolat, la tasse, le pain, pose le tout sur la table est Molten%} elle a les yeux baissés et l'air fort timide. )

ida, après un moment de silence* Est-ce tout ce que monsieur désire ?

m o l t e n , sans la regarder. Un verre d'eau.

( Elle apporte une carafe et un verre. ) m o l t e n , jettant les yeux sur elle. Celle-ci ne me paraît pas avoir le même besoin de causer.,. A votre air, je suppose que vous ne servez pas depuis long- tems.

IDA.

Je ne suis ici que depuis cinq jours.

M O L T E N.

Est-ce votre première condition ?

IDA.

Non , monsieur , j'ai servi , pendant deux mois , une bien bonne dame. ( Elle fait une petite mine pour s9 empêcher de pleurer. )

m o L T E N. Et pourquoi l'avoir quitté , cette bonne dame, i d a , le cœur gros. ç Monsieur. . . c'est qu'elle est morte tout d'un coup, et je crois que je ne m'en consolerai jamais. m o L t E N. Vous vous trompez... mais il n'y a pas de mal.

IDA.

Oh ! monsieur , si vous l'aviez connue... % Air : Ce jeune homme , depuis huit jours, (de Marcelin De bienfaisance et île douceur, C'était uneimage accomplie.

B

J0 IDA,

Pourquoi faut il qu'en sa rigueur

Le ciel sitôt me l'ait ravie !

Elle eut formé pour la vertu *

Ce cœur a ses avis fidèle ;

Mais , en la perdant , j'ai perdu \

Et les leçons et le modèle.

M o L T B N.

Les bonnes femmes ont toujours été rares , et vous avez fait une perte difficile à réparer.

IDA,

Même air. Sa bonté fut toujours l'appui De la vertu , de l'innocence , Et pour les faiblesses d'autrui Elle eut toujours de l'indulgence. En la servant , moi , j'aurais pu , Un jour , me rendre digne d'elle ; Mais , en la perdant, j'ai perdu, Et les leçons et le modèle.

( Ida se retournant en essuyant ses yeux. ) m o r. t e n 7 à part. Cette jeune fille paraît avoir de la sensibilité , et sa figure n'est pas mal. ( On frappe doucement à la porte vitrée , Ida va ouvrir. )

SCENE VI.

Les précedensDQMINIQUE.

IDA.

Eli ! c'est toi ? Dominique.

Dominique, gaiement. Âh ! vous v'ià donc 7 mamz'elle Ida , enfin je vous ai trouHp* vée : mon dieu , que je suis aise de vous voir^f

IDA.

Mais par quel hasard as-tu deviné que j'étais ici ?

DOMINIQUE.

C'est votre bonne amie y la lingère , qui nous a dit que j vous serviez dans un café 5 mais sans pouvoir nous dire le-%

,pïH] Archives de la Ville de Bruxelles

ArchiefvandeStadBrussel

C O M É DIE. ii

IDA.

Et tu es arrivé ?...

r> o m i n i Q u E.

Oh ! ce n'est pas sans pein^p

Air : Dans cette maison , à quinze ans. Une fois, moi, que j'apprends ça^ Via qu'jë n'peux plus rester tranquille,^ Et qu'je court demandant Ida g Dans tous les cales de la ville^' J'écoute tant c'que chacun dit^ J'interroge avec politesse : 0 De ma bêtise on s'moque , on rit^ Et pourtant on n'a pas l'esprit ê De me donner votre adresse. .

IDA. Cela n'est pas étonnant.

m o l t e n , à part* Voilà un petit garçon assez éveillé.

DOMINIQUE.

J'allais recommencer à chercher aujourd'hui , quand j' vous f ai appercue à travers la porte vitrée^

i D A. -"■

Pauvre petit !... As-tu déjeûné ?

DOMINIQUE.

Oh ! mon dieu , non.f

ida, prenant dans une corbeille. Tiens , voilà un petit pain. ( elle s'arrête. ) Un moment.. ^ ce pain n'est pas à moi... ( elle fouille dans sa poche . et met la valeur du petit pain sur le comptoir. )

M o x T E H , qui a vu cette action. Bien... brave fille !

IDA.

Et ta pauvre mère, la bonne Catherine, est-elle tout à fait rétablie ? comment va-t-elle ?

DOMINIQUE.

Bien , dieu merci , et mon frère encore mieux. . . On ne|f dirait jamais qu'i' n'a que quinze j<>m s , tant il est fort*! . . . V'ur.z l'voir, mam'zelle Ida, nous n' demeurons pas loiu| l d'ici... rue Guillaume , à côté d' l'épicier, ai? fond de ! 4

>* IDA,

IDA.

Oh ! je ne peux pas sortir 5 mais , dis à ta mère...

DOMINIQUE.

Elle ne peut pas sortir non flkis.

IDA.

Pourquoi donc ?

tD O M I N I Q U È. IDA.

Qu'est-ce qui l'ei^empêche ?

DOMINIQUE.

Ah ! dame , l'User commence à êtr'bien rude : mon frère n'avait point d'couvertïrre^ l'pauvre petit avait froid , et ma mère a défait son meilleur habit...

I D A.

Ah ! j'entends,.. Pauvre femme ! m o l t e n , qui a suivi la conversation , met la main à sa poche , comme pour donner de l'argent } mais il s'ar- rête.

Non , il faut voir.

d o^lï INIQUE.

Avec ça qu'elle a peur que nos pratiques , en la voyant si mal mise 3 ne veuillent pu li confier d'ouvrage comme aupa- ravant.

IDA. t

Oui , le plus grand malheur de la pauvreté y 0 est de nous ' 6 ter la confiance.

DOMINIQUE.

C'est qu'voyez-vous r si ell' n'avait pas d'quoi travailler , "ca s'rait ben triste.

IDA.

Ne t'affliges pas Dominique. Madame Goutmann a des robes , je ne sais combien , je vais lui en demander une pour ta mère.

DOMINIQUE»

^ Mais croyez-vous qu'ell' voudra ?

t Air : Dans ces vertes campagnes»

I Oui y je crois que ma maîtresse

^ Jtfe me refusera rien :

C O M E D I E. >3

Ellese vente sans cesse

D'aimer à la ire du bien.

Quelle sera fortunée

D'avoir cette accasion ,

De commencer la journée

Par une bonne action !

Celle sort.)

SCENE VIL

MOLTEN, DOMINIQUE. M o l t e n , suivant des yeux Ida. Si sa maîtresse est obligeante et généreuse ? j'en serai bien surpris.. cela n'est pourtant pas impossible. Air : Vaud. a" Honorine. Cette bavarde insupportable Peut bien avoir quelques bons sentimens :

Comme a dit un poète aimable , Les bavards sont toujours de bonnes gens, bis* Sur sa causerie éternelle , Je l'ai jugée avec rigueur : Mais j'excuserai tout en elle , Si je lui croyais un bon coejir. bis. Dominique, chantant en examinant le café. Trala , la , la , dera , la , la,... ( il appercoit M. Molten , s'arrête tout court. } ,

MOLTEN,

Eh bien... achève donc ta chanson.

Dominique, jz/2 peu honteux. Oh ! oh !

MOLTEN.

Tu es bien gai ?

DOMINI QUE.

Ah! dame , tantôt gai , tantôt triste... c'est selon.

MOLTEN.

Selon quoi ?

DOMINIQUE.

Air : On doit soixante mille francs. \ Nous sommes bien pauvres, chez nous : Nous manquons de tout, voyez vous ;

C'est ce qui nous désole* bis. Mais moi , ma mère et son petit, Nous avons tous bon appétit,

C'est ce qui nous console, bis.

»4 IDA,

M O L T E N.

Est-ce que ta mère ne sait pas travailler ?

DOMINIQUE.

Si fait : mais l'ouvrage ne donne pas.

m o L T E N. Et ton père ?

DOMINIQUE.

Il est soldat 5 à l'armée.

m o L T E N. Si vous êtes d'honnêtes gens , je viendrai à votre secours.

DOMINIQUE.

Oh î ma mère ne demande que de l'ouvrage. ( du ton de la confiance la plus importante. ) Vous ne savez pas ? j'viens de faire un projet... ( Molten sourit. ) J'vais prier mam'zelle Ida d'nous procurer la pratique de»c'te maison. . . . j'suis sûr qu'ell' ne d'mandera pas mieux , c'est une si bonne fille !

MOLTEN.

Y a-t-il long-tems que tu la connais ?

DOMINIQ UE.

D'puis qu'elle est sortie des Orphelines ; ou c'qn'elle a et* élevée... C'est-là qu'i'faut entendre l'bien qu'on en dit. Air nouveau , de Michel.

Tout chacun l'aime et l'admire , Cette douce et bonne Ida : Mais n'faut pas aller lui r'dire Tout ce que je vous dis-là : Ça lui ferait de la peine ; Ça m'en ferait aussi , car Je ne veux pas qu'on me prenne Pour un petit babillard.

M O E T E N.

Oh ! c'est juste.

DOMINIQUE.

Même air. De son ame bienfaisante , Hier, on nous racontait Une histoire intéressante , Qui , vraiment , vous surprendrait : Malgré moi, faut que j'me r'tienne De vous la dire ici, car

Je ne veux pas, etc.

S bis.

COMEDIE.

M O £ T E N.

Il est vraiment aimable.

DOMINIQUE.

Chut !... Voici mam'zelle Ida,

SCENE VIII.

Les précédens, IDA. {Elle a ôté son corset et son jupon d'indienne et elle le tient ployé : il lui reste un petit corset rouge et un jupon vert y l'on voit quelques pièces: elle a par-dessus un tablier blanc.)

IDA.

Tiens , Dominique , voilà un habit pour ta mère. Dominique, sautant de joie.

Oh ! mon bon dieu , qu'elle va donc être contente. (recon-> naissant que c'est celui d'Ida. ) Mais , mam'zelle , c'est le vôtre... vous Paviez tout à l'heure.

IDA.

Prends toujours... Ta mère au moins pourra sortir»

M o l t e n , à part. Cette fille m'étonne.

DOMINIQUE.

Votre maîtresse a donc refusé '£...

IDA.

Hélas ! oui.

m o l t e n , à part* Je ne l'avais que trop bien jugée.

IDA.

Air : V Homme pour vous défendre»

Donne à ta pauvre mère M/ ''

Ce petit présent -U : Avec plaisir, j'espère, Elle l'acceptera.

DOMINIQUE,

Oh ! non , mam'zelle , non...

IDA. pe refuser, monsieur, Voua aui Ȑur !

Prends mon ami....

DOMINIQUE.

Je n'ose.

i6 IDA,

I P A.

Quoi ! pour si peu de chose , Offert de si bon cœur !

m o l t e n , a part* Offert de si bon cœur ! Dominique, pressé par Ida» Je reçois pour ma mère Ce joli présent-là. Le ciel un jour, j'espère, Vous récompensera.

Je reçois pour ma mère.

IDA.

Porte à ta pauvre mère , etc. *g } MOLTEN^à part.

Quelle bonté sincère ! t Intéressante Ida.

Oh I cui j le ciel, j'espère, Te récompensera.

^

IDA.

Ma maîtresse va venir } va-t-en bien vite. ( En finissant Pair y Ida conduit Dominique à la porte vi- 1 trèe qu'elle ferme quand il est parti. ) moltenjû part. Comme une ame bienfaisante embellit un joli visage ! Ida , que tout à l'heure je ne trouvais que gentille } me paraît maintenant un créature angélique. ( Ida , voyant madame Goutmann , veut sortir. )

SCENE IX.

MOLTEN,IDA, Mad. GOUTMANN. Mad. gou tmann, sans appercevoir Molten. Ida , voyez un peu , là-dedans , si monsieur Ledoux.. . non j restez. . . Eh mais. . . qu'est-ce donc que cela ? comme vous

voilà faite.

Air : Pierrot revenant du moulin. L'accoutrement est Tort joli, De goût , vraiment , il est rempli :

Et comment, un dimanche , ici,

Se mettre ainsi , x

Paraître ainsi... Que Teut dire ceci?

COMÉDIE. v 17

Mais, approchez donc , Mais., parlez donc, Répondez donc , Prenez le ton Qu'il faut dans ma maison.

m o l t e n , a pari. Cette femme a l'esprit malade , assurément.

Mad. GOUT MANN.

. A l'heure tout le monde va venir ! . . . Etes-vous folle ?. . . foulez-vous bien répondre ?

ida, tremblante. Madame...

Mad. G O U T M A N N.

Eh bien, madame.... Pourquoi avez-vous changé d'habit?

IDA.

Madame...

Mad. goutmann, la prenant par le bras et la

poussant rudement. Ne me raisonnez pas , et allez vous r'habiller.

IDA, pleurant. Mon' dieu , madame , cela m'est impossible.

,Mad. G O U T M A N N. Comment ! impossible !

, IDA.

Madame, pardonnez-moi... J'ai donné...

Mad. goutmann, souriant avec ironie Donné ! quel conte me faites-vous ? croyez-vous m'en imposer avec un pareil mensonge ?

IDA.

Oh ! madame , je ne ments point, je votls assure. Mad. goutmann, très en colère. Comment donc , vous seriez assez insolente , lorsque je viens de vous refuser !... Ah ! vous prétendez me donner des leçons ! cela suffit : je vois de quoi vous êtes capable ] je de- vine vos petites ruses , vos projets : mademoiselle veut se rendre intéressante. Vous croyez peut-être que monsieur Le- doux... Mais j'y mettrai bon ordre , je ne serais point votre dupe, et vous sortirez de chez moi sur-le-champ... ( à part. ) Voila un prétexte tout trouvé.

C

*8 IDA,

m o l t e n , se levaut. Je n'y tiens plus.

Mad. goutmann, très-surprise , à part. Il est encore !

M O L T E N.

Air : Vaud. des deux Veuves. Madame, c'est la vérité Que vous atteste cette fille : Elle a fait une charité Pour une mère de famille. Vous approuvez , certainement, Ce trait qui me plait et m'étonne, Et vous en auriez fait autant , Car, on dit que vous êtes bonne.

Mad. GOUTMANN.

Oui , je suis bonne 5 mais chacun a ses pauvres , et je ne m'avise pas de donner à des premiers venus , à des fainéans,. Air: Vaud. de l' Oper a-Comique.

Je prends quelque précaution Pour les bienfaits que je dispense, Et c'est avec réflexion Que j'exerce la bienfaisance.

Ida, d'un air bien suppliant* Madame , laissez-vous fléchir , Et désormais, s'il est possible , Je tâcherai de réfléchir ,

Avant d'être sensible.

f

M. O E, T E N.

Non , mon enfant, suivez toujours votre bon cœur 5 il vous dirigera mieux que les beaux avis de madame. 1 d A ? à Mad. Goutma?i7i.

N'abandonnez pas une infortunée, sans parens , sans appui...

Mad. GOUT- MANN.

Oh ! quand on est si généreuse , on doit avoir des res- sources.

m o l t e N , à part* Quelle femme !

Ibis

COMEDIE. 19

Mad. G O U T M A N N.

Air : Trouverez-vous un parlement. Sortez de chez moi > sur le-champ.

1 n a j sortant. Oh î c'est avoir l'aine bien dure. m o l t e n , regardant madame Goutinann avec in- dignation. C'est un cœur de marbre.

Mad. G O U T M A N N.

Voyez à quel affront pourtant , M'expose cette créature i

m o L T E N.

Quant à moi , je ne puis ici Que condamner sa maladresse. De quoi s'avise-t-elle aussi De valoir mieux que sa maitresse.

Mad. G O U T M A N N.

Mais , monsieur , je trouve tos expressions très-malhon- nêtes , très-déplacées...

M O L T E N.

Oh ! je ne suis pas poli. . . Renvoyer cette fille pour avoir fait une bonne action...

Mad. goutmanN) avec humeur.

Que ce soit pour cela ou pour autre chose, ce ne sont les affaires de personne.

M O L T E N.

Votre conduite à son égard est cruelle , révoltante.

Mad. GOUTMANN.

Cruelle ! révoltante ! . . En vérité , ceci est trop fort, on n'a point d'idée de pareils propos... Et de quel droit , mon- sieur , vous mêlez-vous...

M O L T E N.

Parbleu ! du droit qu'a tout homme de bien d'être indigné d'une injustice , et de l'empêcher , quand il le peut.

Mad. g o u t m: a n n. Quel ton !... Savez-vous , monsieur , que je ne suis point ac- coutumé...

mol t e n , brusquement. A entendre la vérité? eh bien, il fkut vous y faire. (jeUant de l'argent sur le comptoir, ) Payez- vous 7 madame*.

IDA,

Mad. goût mAnn, allant au comptoir ^ très-en-

colère. Allons , allons, ceci finira... Je suis outrée,

SCENE X.

Les précédens, LEDOUX, IDA, portant son petit paquet sous son bras. e e d o u x , a Ida , en entrant* Non , non , laissez-moi faire... Je vais lui parler. Pourquoi donc , madame Goutmann , voulez-vous renvoyer Ida ? Mad. goutmann, occupée à chercher de la monnaie» Je n'ai de compte à rendre à personne.

e e d o u x. Vous avez tort.

Mad. GOUTMANN.

Ah! j'ai tort... Il ne lui manquait j>lus <lue Votre protec- tion.

LEDOUX.

Elle a de la bonne volonté , elle donne des espérances. Mad. goutmann, sortant du comptoir.

Oui ! vous donne-t-elle déjà des espérances ? cela ne m'é~ tonnerait pas : une fdle qui a Pâme si bonne ! ( rendant à Molten. ) Tenez , monsieur.

LEDOUX.

Voilà de vos belles idées. ( il paraît lui parler bas et n'ê- tre pas écouté.

m o e t e n , prenant sa canne et son chapeau. Ida , je me charge de vous trouver une place.

IDA.

Mais , monsieur , vous ne me connaissez pas.

m o E T E N.

Je vous connais parfaitement.

IDA.

Monsieur, je ne veux servir qu'une dame.

M O E T E N.

Vous me conterez cela en chemin.

Archtetvanaeï»**

COMEDIE. ai

Mad. GouTMANN,a part. Je crois , dieu me pardonne , que ce beau moraliste a en- vie de s'en emparer,

l e d o u x , à Mad. Gortlmann. Je veux absolument vous faire entendre raison.

Mad. GOUT MANN.

Je n'entends rien , laissez-moi.

r e d o u x. Si vous la renvoyez , que deviendra-t-elle ?

Mad. goût imann, vivement. Que m'importe !

( Morceau d'ensemble. ) Air : Il faut partir. ( du Tableau parlant. )

Il faut sortir, à l'instant même , A l'instant même.

X. E D O U X.

Voyez, voyez sa peine extrême , Sa peine extrême.

IDA.

Hélas ï me renvoyer ainsi! Hélas ! pouvez-vous me traiter ainsi ! Voyez , voyez ma peine extrême : Pouvez vous me traiter ainsi!

m o L T E N.

Pauvre petite ! Console-toi , pauvre petite. Pouvez-vous, la traiter ainsi ! l e d o u x.

Pauvre petite ! Que je la plains, pauvre petite ! Pouvez-vous l'affliger ainsi.

Mad. GOïïTMAKy.

Partez bien vît* Sans raisonner, partez bien vite •, Allez, allez , sortez d'ici.

m o l t e n , à Ida, Viens mon enfant , en assurance , Livre ton cœur à l'espérance, Molten Ailleurs te placera ,

Te placera.

IDA.

Est-ce le sort que je mérite ! M ad. goût m a M « , observant Molten. O l'hypocrite !

3

o*

L

IDA, %

IDA

Sans reproche sur ma conduite Mon courage me soutiendra , Me soutiendra. Mad. g o u t m a n n , voyant Molten presser Ida, O l'hypocrite î C'est un beau zèle qui l'excite: . 1 Mais le projet qu'il médite , à I En voulant protéger Ida , ^ J Aisément se devinera. <> | LEpoiiX, i part.

Vainement je sollicite , Mais bientôt Ida reviendra , Ou, ma foi, Ledoux partira.

IDA.

Hélas! au moins estimez moi , madame.

MOLTEÎÎ,

N'attendez rien de cette femme.

3 1 Mad. g o u t m a n n, montrant Molten* +>* / Voilà monsieur qui vous reclame.

LEDOUX.

O quelle femme .' {bis)

Elle est méchante au fond de Pâme»,

Mad. g o u t m a n n. Il faut partir , à l'instant même.

ledoux. Voyez, voyez sa peine extrême.

IDA.

Pouvez-vous me traiter ainsi l ledoux. Pauvre petite ! Pouvez-vous la traiter ainsi ! molten, prenant Ida par la main» Viens, ma petite, Partons bien vite , Pour jamais, viens, partons d'ici.

Mad. G O U T M A N N.

Partez bien vite , Pour jamais délogez d'ici. '

( Molten enmène Ida ; madame Goutmann sort en se dispu- * tant avec Ledoux. )

Fin du premier Acte*

COMEDIE.

23

ACTE II.

Le théâtre change et représente un s ai/on. SCENE PREMIERE.

GOUTMANN, seul} et regardant à sa montre.

iVloNsiEUR Molten tarde bien à rentrer. . . Ah ! la veille d'un départ ? et quand il s'agit de choisir des ajustemens , des dentelles , des bijoux pour un mariage... Voilà pourtant un homme qu'on épouse sans l'avoir jamais vu , et sur sa bonne réputation... Il est vrai qu'une grande fortune , beau- coup de générosité et des mœurs irréprochables se présen- tent avec assez d'avantage , même de loin 5 savoir si de près la femme n'exigera rien de plus. Monsieur Molten n'est ni empressé , ni complimenteur , et cela ne plait pas à tout le

Air : Des femmes plus d'un censeur*

Quant à moi , je trouve sans prix Cette franchise remarquable ; A beaucoup de- gens bien polis , Molten me semble préférable : S'il vous brusque de tems en teins , Dans âpn humeur originale, Il n'est bourru que par instans , Mais il est bon sans intervale.

Le voici , je pense.

SCENE II.

GOUTMANN, MOLTEN, 1 1> A , toujômrs avec

son petit paquet qu'elle pose sur une chaise en entrant. molten. %

Mon cher Goutmann y envoyez-moi votre épouse.

GOUTMANN.

Monsieur...

1 p a , a Molten. Est-ce ici chez la dame ?

24 IDA,

M O L T E N.

Non ? c'est chez moi.

ida, surprise et embarrassée. Chez vous ! . . . Mais , monsieur y je vous Pai dit , Je ne veux servir qu'une dame.

m o L T E N.

Eh bien, vous ne me servirez pas.

GOUTMANN.

Monsieur , ma femme vient de partir pour la campagne , elle doit rester deux jours.

m o L T E N. Tant pis , cela me contrarie. . . N'importe , trouvez dans votre hôtel une petite chambre pour cette jeune fille.

GOUTMANN.

Oui , monsieur. ( il sort. )

W ' I...- i ■■■' m

SCENE III. MOLTEN, IDA.

ida, très-embarrassée. Monsieur... il m'est impossible de loger ici.

MOLTEN.

Plait-il?

Air : C'est toujours mon enfant prodigue* Refuser de loger céans ! Ce refus-là m'impatiente : Songez que chez d'honnêtes gens, Un honnête homme vous présente, (bis?)

IDA.

Permettez moi de m'en aller.

MOLTEN.

La raison , et qu'elle soit bonne?

IDA.

Monsieur, quand on sait travailler , On doit n'être à charge à personne,

MOLTEN.

Et qui vous dit que vous serez à charge ?

IDA.

Oh ! c'est égal , je ne veux pas rester. S

m o I. T e N. Est-ce moi qui vous fait peur ?

COMÉDIE. s5

IDA.

Oh ! mon dieu , au contraire , et si monsieur était une dame , ou seulement un vieillard...

molten, souriant. Un vieillard !... mais j'ai trente-sept ans , je pourrais être votre père , et je veux vous en tenir lieu.

IDA, avec un mouvement de joie. Ah ! s'il était vrai !... {tristement. ) Mais non , c'est dé- cidé , je ne puis rester ici.

MOLTEN.

Au fait j ne me connaissant pas , votre refus tient sûre- ment à un motif estimable , et je ne puis vous blâmer -, mais prenez ceci pour subvenir à vos premiers besoins, ( il lui pré- sente une bourse. )

ida, refusant. Monsieur est trop bon -, j'espère trouver de l'ouvrage.

m o l t e n , brusquement et la forçant d'accepter. Prenez , vous dis-je , et allez vous en.

( il se met à son bureau. ) i d h, qui a regardé dans la bourse, la remet sur le bureau est Molten. Monsieur s'est trompé j il n'est pas possible qu'il- ait voulu me donner une telle somme.

molten. Pourquoi donc ?

Air : La fuite en Egypte , jadis, Je vois que vous manquez d'argent , Et moi, j'en ai, je vous en donne. Ii n'est rien de surprenant Pour une ame sensible et bonne. Du ciel c'est la suprême loi , Qui d'un bienfait vous récompense, Et vous ne devez voir en moi Que la main de la providence. IDA, très-embarrassée. Ah! monsieur... mais... c'est que... si monsieur...

MOLTEN.

Quoi !... ( Ida se recule un peu. ) Vous rougissez !... Ida , vous faites bien , car je crois voir que vous avez une mau- vaise pensée.

20 IDA,

IDA.

Oh ! non , monsieur, je vous assure.

M O E T E N.

Ecoutez-moi. Vous m'intéressez , parce que je vois que vous êtes une fort honnête fille , et vous devez , de votre côté , me rendre justice , et ne pas me soupçonner , sans raison , d'être un suborneur , et par conséquent', un malhon- nête homme.

IDA.

Ah! monsieur...

Air : Quand il est auprès de Sophie. Tout en vous annonce , au contraire, La candeur et l'honnêteté ; Et mon cœur, à ne vous rien taire, Est touché de tant de bonté. J'aime , je révère Ce langage austère ; C'est Paccent de la vérité i Mais , je ne sais pourquoi, Là, quelque crainte,

Malgré moi , Oui , malgré moi , M'inspire un peu de contrainte. Oui, malgré moi, Je sens quelque crainte, Quelque crainte.

M o E T E N.

Crainte mal fondée... Reprenez cette bourse.

IDA.

Vous me donnez peut-être cet argent dans l'espérance que j'entrerai à votre service , et...

m o L T E N.

Point du tout : trouvez à vous placer , je m'offre pour votre répondant.

IDA.

Ah ! monsieur , comment vous dire tout ce que j'éprouve de reconnaissance.

31 o l t e n , du ton d'un homme qui craint P attendris- sement.

C'est bon, c'est bon, reprenez cette bourse, et allez Vous en.

I D A.

Maie monsieur...

COMEDIE. 27

M o l t E n , lui mettant la bourse dans la main. Pas un mot de plus $ je n'ai pas le tems de vous entendre.

IDA.

Allons , il faut obéir. ( Elle sort. )

SCENE I I I.J

MOLTEN, GOUTMANN.

molten, se parlant à lui même . Elle est vraiment surprenante. ( /'/ sonne. ) Elle excite en moi un intérêt extraordinaire. ( Goutmann paraît. ) Mon cher Goutmann , cette jeune fille ne veut pas loger chez vous ,

GOUTMANN.

Non ! elle a tort.

molten, se parlant à lui-même. peut-elle aller? Je serais curieux de le savoir...

goutmann, sans être entendu de Molten. Parbleu ! c'est bien aisé. ( il sort. )

MOLTEN.

Un bon cœur , un joli visage , de l'infortune, . . que de titres pour intéresser!... Charmante Ida , on aime à reposer sur toi ses yeux et sa pensée, . . . Combien je m'estimerais heureux si la compagne que l'on me destine avait ta belle ame !... Mais j'en doute , je connais l'éducation d'une fdle qui doit être riche.

Air nouveau de Michel. Sans cesse on nourrit dans les femmes Le goût de la frivolité, Et l'on semble former leurs âmes Pour l'orgueil et la vanité. Ah ! de la douce bienfaisance, Mettons l'exemple sous leurs yeux, Et ce plaisir délicieux Aura bientôt la préférence, (bis.) goutmann, à part , en entrant. Le portier suit la petite , et nous saurons elle va. {haut.) Mais , monsieur , cette jeune fille , je crois l'avoir vue chez ma belle-sœur.

molten. Vous ne l'y verrez plus... on l'a mise à la porte.

28 IDA,

GOUTMANN.

Je reconnais ma chère belle-sœur.

Air : On compterait les diamans. Des gens qu'elle fait enrager , Jamais la dame n'est contente, Et sans cesse on la voit changer Et de garçon et de servante.

M O L T K N.

Pour en changer plus rarement, Elle devrait bien , sans colère , Changer une fois seulement Et d'humeur et de caractère.

GOUTMANN.

Impossible. C'est en cela qu'elle a toujours fait preuve de constance.

M o l t e n , se disposant à sortir. Vous savez que je pars demain : préparez mes malles.

GOUTMANN.

Elles sont toutes prêtes.

M O L T E N.

Je veux , dans mes courses , passer aux Orphelines pour prendre quelques renseignemens sur Ida. . . . S'ils lui sont favorables , je pourrai la faire venir à Breslau , dès que je serai marié , et ce sera un vrai service à rendre à ma femme, {il sort. )

> CÈNE IV.

GOUTMANN, seul. Un service ! j'en doute. . . En pareils cas , ce qui convient au mari n'est pas toujours ce qui plaît à la femme.. t. La jeune fdle est fort bien.

Air : Pour vous je vais me décider.

De la beauté , sans ornemens , Et de la grâce naturelle ; Un teint frais et des yeux charmans, Plus jolie encore que belle : Puis, supposez qu'à tout cela ^ Elle joigne une ame sensible,

Pour une autre femme , c'est Un voisinage très-pénible.

COMEDIE. 20

SCENE V.

GOUTMANN, LEDOUX. l e d o u x , cherchant des yeux en entrant. Je ne la rencontre pas... Cependant , on assure qu'elle est venue dans cette maison.

G O U T M A N N.

Et , monsieur Ledoux... Par quel hasard ?...

jl e d o u x. Le plaisir de vous voir , papa Goutmann.

GOUTMANN.

Ah ! c'est fort aimable.

ledoux, à part. Il faut que je le fasse jaser. ( haut. ) Parbleu ! vous logez chez vous un plaisant personnage , un M. Molten...

GOUTMANN.

Il est un peu singulier , n'est-ce pas ? e e p o u x.

Singulier ! ah ! je dis , il est mieux que cela ! Diantre , pour un allemand , il nous a joué un tour, ce matin... Imagi- nez-vous que nous avions depuis peu de jours la plus jolie petite servante...

Air ; Servantes 5 quittez vos paniers. Une fille de dix-sept ans,

Douce , simple , modeste , Monsieur la voit quelques instans;

Elle lui plaît, et zeste... Chez vous il la conduit tout droit : J'en suis piqué, c'est à bon droit, Car le français le plus adroit

N'eut pas été plus leste.

GOUTMANN.

Vous jugez très-mal M. Molten ; c'est par bonté , par hu- manité , qu'il a conduit ici cette jeune fille } c'est une bonne œuvre , et pas autre chose.

E E D O U X.

Oh ! nous connaissons ces bonnes œuvres-là.

3o IDA,

GOUTMANN.

D'ailleurs , Ida n'a point accepté les secours de Mt Molten, puisqu'elle a refusé de loger ici.

e e d o u x.

Ah ! c'est différent, part. ) Bon , la petite compte sur moi. {haut. ) Mais il faut que madame Goutmannla reprenne, et elle l'a reprendra , je le veux absolument.

GOUTMAN N.

Puisque vous avez tant de pouvoir sur l'esprit de ma belle- sœur , que ne la déterminez-vous donc à vous épouser ? e e d o u x. Oh ! rien ne pressé.

GOUTMANN.

Si fait , si fait.

Air de Michel.

Tenez, moi , je suis un bon homme ;

Mais je ne saurais vous nier,

Qu'avec chagrin j'observe comme

Vous faites jaser le quartier.

Et ! morbleu \ sans tant de mystère ,

Cessez des délais superflus:

Soyez tout» à-fait mon beau-frère, )

Afin que l'on n'en parle plus. /

e e n o u x , d'un ton suffisant. "Vous êtes bien bon.

GOUTMANN.

Que diable , vous vous connaissez 5 vous savez que madame Goutmann a de la fortune ? de l'ordre... e E d o u x.

Ah ! je sais parfaitement tout ce qu'elle a : ce ne sont pas les qualités qu'elle possède qui lui font tort ; ce sont celles qui lui manque.

GOUTMANN.

Bah ! bah, . . rien ne lui manque , vous l'aimez , vous l'a- dorez , vous ne pouvez pas vivre sans elle \ elle ne peut pas vivre sans vous...

Mad. goutmann, qu'on ne voit pas.

Pardi ! voilà une porte joliment gardée...

GOUTMANN.

Et y tenez , la voilà qui vous arrive.

L E D O U X.

Qui diable a pu lui dire,,,. Oh ! c'est mon mauvais génia qui me l'envoie.

j avilie de Bruxelles

COMEDIE.

SCENE VI.

Les précédens, Mad. GOUTMANN. Mad. goutmann, avant de paraître. Si j'avais un portier comme celui-là. . . . ( elle appercoit I.edoux. ) Bon jour , mon frère. Fort bien , je ne me suis pas trompée et je connais le motif de votre visite. l e d o u x , à demi-voix. Quel motif! que voulez-vous dire ? Mad goutmann, d'une voix étouffée et sans

être entendu de Goutmann. J'ai de bons yeux. Oser me soutenir que ce n'est pas la jeune Ida que vfcus cherchez ici !

goutmann, a part. Ils vont se quereller... ( haut. ) Permettez... J'ai quelques petites occupations , vous avez toujours quelque chose d'ai- mable à vous dire... Faites comme chez vous. ( il sort. )

SCENE VIL L E D O U X , Mad. GOUTMANN.

l e d o u x , à part. Jolie attention. Mad goutmann, d'un ton aigre , et en bavarde. Il y a long-tems que vos mauvais procédés me fatiguent , que toute votre conduite me déplait et m'excède. Vous croyez apparemment que je suis trop heureuse de vous avoir reçu dans ma maison , de vous avoir associé à mon commerce : vous vous dispensez des soins les plus ordinaires : sans égards , sans attention , sans prévenances } devant témoins , vous pensez qu'il est de bon air de paraître ne pas vous sou- cier de moi , et quand nous sommes seuls , c'est de l'ennui , de l'embarras ou de l'humeur... Le silence le plus maussade ou l'entretien le plus froid... Ai-je tort , répondez. r l e D o u x , froidement. Air : Décacheter à la poste.

Quand madame est en colère, Je sens que je dois nie taire :

3a IDA,

Il est hors de saison D'essayez de lui parler raison. La raison pour vous, ma chère , Est une langue étrangère. (bis.)

Mad. GOUTMANN.

Injurier n'est pas répondre , et si vous n'étiez pas infidèle , vous me tiendriez un autre langage.

i. e d o u x , d'un ton fat. Ma foi y j'ai pour système qu'il faut être heureux : la cons- tance sans bonheur est la vertu d'un sot.

Mad. goût mann, en colère et très-vite. Mais si vous n'en avez pas la vertu ? vous pourriez bien en avoir les qualités.

r e d o u x , furieux. Les qualités d'un sot ! ce propos est assez impertinent , madame Goutmann.

Mad. GOUTMANN.

Il n'en est pas moins sincère , monsieur Ledoux , et puis- que vous abusez de ma patience 9 de ma bonté... jl e d o u x. Moi 5 j'abuse de votre bonté !

Mad. GOUTMANN.,

Vous ne faites que cela.

E E D O U X.

Air : Duo de la Fausse Magie. Quoi ! vous croyez être bonne !

Mad. GOUTMANN.

Oui, je dis que je suis bonne. e e d o u x. Vous /

y Mad. GOUTMANN.

Moi.

LEDOUX.

Qui vous , bonne !

Mad. GOUTMANN.

Oui , moi.

LEDOUX.

Vous?

Mad. GOUTMANN.

Moi.

COMEDIE.

REDOUX.

J'avoûrai que cela m'étonne.

Mail. GOUTMAW BT,

Mais je ne sais pas pourquoi.

l b d o u x. , soyons de bonne loi , Votre humeur est inflexible,

. Mad. GOUTMANIT.

J*ai le cœur bon et sensible.

l e d o u x. Vous avez le cœur sensible.

Mad. goïjtm a ic N. Trop sensible.

. t LEDOÏÏX.

g I Oui , je le crois, oui , je le croi. % \ Mad. goutmakn.

kq I Oui, je le crois , oui je le croi,

^ l e d o u x.

Et vous avez tout pour plaire !

Mad. GOTJTMAtflT.

Je l'espère.

i, e d o u x. Tout pour plaire. Mad. g o u T m a n w . (EnsembUj Oui, certes , j'ai tout pour plaire , Tout pour plaire. l e d o u x. Oui, vous avez tout pour plaire, Tout pour plaire: Oui , ma chère.

Mad. GOUTMAWlf.

Je l'espère

(Ensemble.')

Oui , je le crois, oui , je le croi. bis.

l e d o u "x.

Tout pour plaire?

Mad. goutmajtn.

Je l'espère.

redoux. Oui, ma chère , . r Oui , vous avez tout plaire, g I Oui , je le croi.

% / Mad. GouTMAMir.

j5 I Oui, certes, j'ai tout pour plaire , ' Et je le croi.

M , IDA,

L E D O U X.

Vous voulez qu'on -vous adore, Et vous croyez être encore Comme dans votre printems.

Mad. GOUTMANN.

Oui , je crois valoir encore Mieux qu'une autre a dix-huit ans,

l e d o u x. Ah ! j'entends*., coûte qui coûte, Vous avez fait vœu sans doute , D'être toujours un enfant.

Mad. go utmann. Et vous, vous serez, sans doute , A tout âge un insolent.

E N S E M B IF. Mad. GOUT MANN. IiEDOUX.

On ne voit qu'extravagance, Je vous le dis d'abondance,

Que sottise , impertinançe , Renoncez avec prudence

Dans toutes vos actions , A faire des passions ,

Je le désole, bis. Je la désole. Bis.

Ah ! que cette espèce est folle, Ah ! que cette femme est folle.

Avec ses prétentions ! Avec ses prétentions î

SCENE VIII.

LEDOUX , Mad. GOUTMANN , GOUTMANN. ©outmann , en entrant et portant une grande corbeille de mariage qu'il pose sur une table. Pardon de vous avoir laissés seuls $ mais vous ne vous êtes pas ennuyés.

, LEDOUX.

Non ? nous nous sommes dit des douceurs.

Mad. GOUTMANN.

Il faut convenir qu'autrefois vous m'en disiez d'un autre genre ; mais autrefois l'amour me prêtait des perfections 7 et aujourd'hui l'indifférence me prête mille défauts. goutmann, gravement.

Soyez sûre , ma sœur ? qu'il ne vous prête rien.

LEDOUX»

Assurément 5 mais j'ai déjà remarqué que quand on veut appaiser une femme , il arrive souvent tout le contraire. Mad. goutmann, levant les épaules. Appaiser !... le moyen est nouveau.

COMEDIE. 33

G O U T M A N N.

Au reste , une petite querelle amène toujours au racom- modement , et je réponds qu'avant la fin de la journée , vous serez les meilleurs amis du monde.

e e d o u x , d part.

Je l'espère bien , et je profiterai du moment pour faire ren- trer Ida.

G O U T M A N N.

J'ai dans la tête un certain projet qui me plait beaucoup et qui ne vous déplaira pas... D'abord , je vous donne à sou- per ce soir.

L E D O U X.

J'accepte.

Mad. G O U T M A N N.

A quoi bon ce souper ?

GOUTMANN.

Suffit... J'entends monsieur Molten qui rentre, Mad. goutmann, très-vite. M. Molten ! je serais bien fâchée de le rencontrer , après la scène de ce matin...

goutmann, les conduit à une porte de côté. Eh bien, sortez par ici 5 mais revenez ce soir, il le faut absolument.

Mad. goutmann, sortant en bavarde. Il le faut absolument ! Mais c'est bientôt dit : et si je ne le veux pas , moi , je ne sais pas qui aurait le pouvoir...

( elle sort. ) l e d o u x , avec finesse à Goutmann. Soyez tranquille , elle viendra. ( il sort, )

SCENE IX.

G O U T M A N N , M O L T E N. goutmann, après avoir conduit Lcdoux et sa belle'

sœur. J'espère que ce soir même , un notaire et un bon contrat de mariage feront enfin taire les caquets.

molten, posant sa canne et son chapeau. Grâce au ciel , mes courses sont finies et mes affaires ter- minée.

36 IDA,

GOUT MANN.

Monsieur , voici une lettre.

mo l te n , jetant les yeux sur la lettre,

Hambourg !..„ Ah ! c'est de mon ami Rheimberg , l'oncle de ma future... ( ouvrant la lettre.) Il m'annonce, sans doute, son départ pour Breslau. ( il Ut. )

GOUTMANN.

On a aussi apporté cette corbeille remplie d'ajustemçns <îe femme... Les présens de noces pour votre promise. m o l t e n , ayant lu.

Parbleu , voilà de ces choses auxquelles on ne s'attend pas... Il faut convenir que mon ami est un habille négocia- teur... Au reste , ceci est peut-être un bien*

GOUTMANN.

Mousieur , j'ai fait suivre la jeune fille.

m o l t e n , brusque ment. Comment , vous l'avez fait suivre ! mais cela est fort: mal 5, voilà une curiosité tout à fait ridicule ? et... (d'un ton plus doux. ) a-t-elle été ?

goutmann, souriant. D'abord , elle est entrée chez une marchande pour y faire différentes empiètes 5 delà , elle est allée rue Guillaume, dans une maison , à côté d'un épicier , elle est restée. ( Pendant que Goutmann achève cette phrase, on voit Catherine et Dominique à la porte du fond. )

SCENE X.

M O L T E N , C A T H E R I N E , G O U T M A N N,

DOMINQUE. Catherine, entrouvrant la porte. Est-ce ici chez monsieur Molten ?

GOUTMANN.

Oui f le voilà.. . Entrez. ( il sort. )

MOLTEN.

Qui êtes-vous ? que voulez-vous ?

BOMINIQUE.

Monsieur , c'est moi , cVsl Dominique et sa bonne mère Catherine.

COMÉDIE. 3/

M o L t e n , le reconnaissant. . Ah ! ah !

Catherine, avec V effusion de la joie. Le voilà donc , ce brave monsieur qui rn'ae nvoyé tant de belles choses! des habits, de l'argent,..

M O L T E N.

Hein !

DOMINIQUE.

Mam'zelle Ida a ben fait votre commission , allez.

CATHERINE.

Pardon, monsieur, d'avoir pris la liberté.. . Mais c'est que...

Air : On se chagrine trop vite.

Nous d'vons tant à vot' bienf'sance , Grâce aux soins d 'mam'zelle Ida , Que, vraiment, ce s'rait conscience D'vous cacher ce bonheur-là : S'doit êtr' un' jouissance Pour votre cœur généreux :

) bis avec ï Do m in.

On est heureux d'ia présence tue l'on rend heure

M O L T E N.

De ceux que l'on rend heureux.

Ai-je bien entendu !

CATHERINE.

J'ai plus d'argent qu'i n'men faut pour payer les deux termes que j'dois , et v'ià un rude fardeau de moins. . . Ja- mais , non , jamais je n'ai été si joyeuse ni si contente. r> o x\l 1 n 1 c> u E.

C'est vrai qu'je n't'ai jamais vu d'si bonne humeur.

MO L T e \. Comment , Ida vous a port/1..,

» o m 1 n t q u E, Air : L'autre jo ur la p ' titc Is a belle . Oui, monsieur, mais ell'ne s'dout'guère Que j'soyons venus vous r'mercirr : Ell'voùlàit f'air'craire à ma plèrej Que ce s'rait vous contrarier ; JVloi «qu'avait fait votYonuaiss ince, J'fais semblant de rien , et pourtant , Sans qu'clley pcjj&e, De son absence Profitant , A ma mère, j'dis , vous déplaise :

38 IDA,

Le Lion-d'Qr n'est qu'à deux pas , j'vas t'y nvner , tu verras monsieur Molten , i nous r'cevra ben , il aime les honnêtes gens...

l'mTa dit , jMois l'savoir. Oui , j'réponils, pisque j'somm'ben aise , Qu'voàs n'êt'pas fâché de nous voir. bis.

M O L T E N.

Je ne reviens pas de ma surprise. . . Catherine , vous êtes dans .l'erreur 5 en donnant quelque argent, à Ida , je n'ai pas songé à vous : ce qu'elle vous a porté , vous le devez à sa générosité.

CATHERINE.

C'est-i possibe !

domin 1 q u e , tout interdit. Ça coupe la parole.

CATHERINE.

Le bon cœur que c'te mam'zelle Ida ! mais ça n'devrait pas m'étonner , après c'que m'a conté la pauvre lin gère c'qu'elle a demeuré.

Dominique, bas à Catherine.

Tu sais ben qu'mam'zelle Ida t'a défendu...

CATHERINE.

D'en parler } mais c'est pus fort que moi.

Dominique, à Catherine avec humeur. Ida va rentrer , elle devinera que j't'ai amené ici , et elle s'ra fâchée contre moi.

molten, vivement. Non , non , dites , Catherine , dites.

CATHERINE.

Imaginez-vous qu'après avoir perdu une bonne dame qu'elle servait , Ida est entrée chez une ouvrière en linge pour travailler avec elle : pas du tout , v'ià que l'malheur veut que c'te pauvre femme prenne les fièvres , et quand Tmalheur tombe sur queuqu'un , c'est comme un' furie , tant y a qu'pendant pus d'dix jours , la pauvre lingère se trouve à toute extrémité... Eh ben , Ida la soigne , la veille , ne la quitte ni jour , ni nuit, dépense tout c'qu'elle a d'argent pour la s'courir , et quand elle n'en a pus , elle vend ses habits,. i Oui, monsieur ? elle en a vendu ? et quand j'pens'que

COMÉDIE. 39

e;e matin encore , elle s'est dépouillé pour moi , qu'elle m'ap- porte ensuite tout c'que vous lui avez donné.., j'suis si éton- née , si émue , si étouffée que je n'trouve plus d'paroles pour vous dire l'attendrissement et l'admiration que me cause tant

de bonté.

m o l t e N j attendri*

Bonne et honnête femme !

DOMINIQUE.

Ça m'rend aussi tout je n'sais comment.

i . ' ii ' mu ' ■■ » "' ■■*>

SCENE XL

Les pré cédens, GOUTMANN.

GOUT MANN.

Catherine ? on vous demande.

DOMINIQUE.

J'parie 7 qu'c'est mam'zelle Ida.

GOUTMANN.

Il a deviné ; mais elle m'a défendu de dire qu'elle est là,

M O E T E N.

Faites-là entrer.

GOUTMANN.

Monsieur , je le lui ai proposé} mais elle a refusé.

M O E T E N.

Qu'elle vienne , je le veux.

CATHERINE.

Oui , ouï ? faut qu'elle vienne. ( Goutmann sort.)

m o e t e n , à part. Aussi modeste que bienfaisante...

Catherine,*? Dominique. Tu vas retourner au logis , mon garçon , ton frère n'au- rait qu'à s'réveiller. .

DOMINIQUE.

Il en est bon capable. ( il sort. )

4o IDA,

SCENE XII. '

MOLTEN , IDA, CATHERINE.

CATHERINE,^ Ida.

C'est donc vous , mam'zelle , qui trompjz comm'ca l'monde !

m o l t e N , à part Je ne puis la regarder sans attendrissement.

CATHERINE.

Air : De l'Avare et son Ami.

Vous v'neï , sans que j'pniss'm'en défendre , M'apporter c'qui n'est pas à moi.

i r> a. Eh bien , j'ai voulu te surprendre ; Mais les présents sont bien à^toi. bis.

CATHERIN E.

Oh ! j'sais !a vérité , mam'zelle,

MOLTEN.

Ida , cet argent , entre nous , Je vous l'avais donné pour vous.

IDA.

Je l'avais accepté pour elle. (bis.)

CATHERINE.

A présent que j'I'écoute , je n'sais pas qu'dire , et ça m'passe.

i d a , à Catherine.

C'est à M. Molten seul , que doit s'adresser ta reconnais- sance.

CATHERINE.

C'est vrai , pourtant 5 et j'crois que j'aurais d'viné ça à vot' physionomie 5 oui , les bonnes gens ont un autre air qu e les autres } pas vrai , mam'zelle Ida ?

I T> A.

*• Oh î sûrement.

Air nouveau , de Michel. Dans la personne qu'on révère , Tout est agréable et iiatteur : Oui, ses traits ont un caractère Qui nous prévient en sa faveur : De son ame c'est la peinture , Et, par un prestige enchanteur, On croir trouver sur sa figure Ce qu'on sait être dans son cœur.

Archives de la Ville de Bruxelles i Archief van de Stad Brussel

COMEDIE. 41

m o l t e n , à pari. Elle a une manière de s'exprimer... ( il parait rêver. )

CATHERINE.

Comme c'est joliment dit ! je n'aurais jamais trouvé ça , moi , et si pourtant je ne manque pas de bonne volonté. m o l t e n , à part.

Il faut d'abord lui assurer une existence ; il faut qu'elle soit heureuse... Essayons de connaître ses véritables senti- mens : je la crois incapable de dissimuler , et si son cœur est prévenu pour quelqu'un... {haut.) Catherine , laisse 5- nous.

. CATHERINE.

Oui ? monsieur , aussi bien...

m o L T E N.

Vous reviendrez , j'ai fait ce matin une promesse à Do- minique...

CATHERINE.

Il ne m'en a rien dit 5 mais c'est égal , je reviendrai , puisque monsieur le veut. ( elle sort. )

SCENE XIII. MOLTEN, IDA.

M O L T E N.

Ida , ce qu'on m'a dit de vous aux Orphelines , ce que je viens d'entendre , ce que j'ai vu , tout me donne le désir de vous être utile.

IDA.

Ah ! monsieur , je vous dois déjà tant !

M O E T E N.

Je veux m'associer à vos bienfaits , et avant de quitter Berlin , je vais assurer une pension à Catherine.

IDA.

Ah ! monsieur , ce sera une bonne œuvre , bien placée.

MOLTEN.

Je compte aussi faire quelque chose pour vous. ,

IDA.

Monsieur va donc partir bientôt ? m o E T E N. Dès demain.

42 IDA,

IDA.

Est-il possible! quoi ! demain...

M O L T E N.

Mon départ vous affligerait-il ?

i i> A , avec abandon et sensibilité.

Eh! cela peut-il être autrement. . . partir si vite. . . Vous disiez ce matin : Ida , je veux vous servir de père... rappelez- vous ? monsieur , que vous m'avez dit ces propres paroles.... J'espérais trouver en voi^s un protecteur , un guide , et je vous perds... Je ne vous verrai plus. . . Àh ! voilà encore du cha- grin pour bien long-tems. "" ' * "^

M O L T £ 3ST. - \

Rassurez-vous. '\

Air : Pour moi soyez visible. {Duo Délia cara rara'. )

Je veux vous voir contente. IDA, comme pleurant jusqu'à ce mot : (Il veut votre bonheur.) Qu'elle bonté touchante'! m o l t e w. ^ Parlez avec franchise.

IDA.

Que faut il que je dise ?

M O E T EN.

A votre âge. .

IDA.

A mon Hge l

m o i. t E N. Quoique bien sage...

IDA.

Bien sage ?

M O E T E N.

Il est possible...

IDA.

Possible %

M O E T E N.

Qu'on soit sensible... r d a. Sensible. fElle pleure, J

M O L T E N.

Que l'ami qui vous presse Lise dans votre cœur : Tout en vous l'intéresse, Ilveut votre bonheur.

<&*6à5

^L>

!

C 0 M K D I F.

Ou vous aime, j'çspèie.

1 n a. A qui pqusrais-je playe?

M O L T È N.

Dit* s, )? vous marie.

1 13 A.

Non , je vous remercie.

P.I O L T EN.

Quoi , si bonne...

IDA.

Si bonne !

m o L T EN.

N'aimer personne?

IDA.

Personne.*.

m o L t e »♦ [Sans vouloir plaire .

IDA.

Moi, plaire !

m o L T F. N.

Et c'est sincère ?

IDA

Sincère* 31a seule jouissance, Mon plaisir le plus doux" f C'est la reconnaissance ; Et je n'en dois qu'à tous. Ensemble.

IDA.

Oui , ma seule jouissance , Mon plaisir le plus doux, C'est la reconnaissance , Et je n'en dois qu'à vous. Je n'en veux: devoir qu'a vous.

MOLTEN.

O précieuse innocence ! Charme si pur , si doux l La seule bienfaisance Est un plaisir pour vous y Est un grand plaisir pour vous.

M O L T E N.

Ainsi vous n'avez fait aucun choix ?

IDA.

Aucun.

M o l t e n , d part.

Voilà déjà un grand point... Suivons mon projet. ( haut. ) En ce cas , j'ai trouvé à vous placer , à vous bien placer... Mais , pour être appréciée ce (pie vous valiez , il faut que vous soyez mise convenablement. Vous voyez cette corbeille, ( il l'ouvre.) elle est à vous.

44 IDA,

ida, jetant les yeux dans la corbeille, A moi ! . . . des robes d'étoffes , des dentelles !

m o l t e ut. Sans doute... C'est pour vous tout cela.

IDA.

Eh ! qu'en ferai-je. . Une pauvre servante comme moi , s'habiller ainsi ! que penserait-on !... Monsieur , vous voulez m'éprouver ?

M O L T E N.

Non : je hais les épreuves $ elles supposent la défiance.

IDA.

Monsieur 9 il m'est impossible...

M O L T É N.

Point de refus , Ida , je les prendrais pour des soupçons injurieux , je mérite votre estime et votre confiance.

SCENE XIV.

Les precédens, CATHERINE , DOMINIQUE.

CATHERI N E.

Sûrement qu'il les mérite , ce brave homme. . . ( à Molten. ) Mais elle vous rend bien justice.

IDA.

Dieu sait combien je vous honore ? et du fond de mon ame !

M O L T E N.

Prouvez le moi donc.

IDA.

Que faut-il faire ?

M O E T E N.

Accepter ces présens , parce que mes intentions sont pures.

IDA.

Je vous obéirai , monsieur; mais vous n'exigerez pas que je mette de grandes robes de soie. ( Catherine et Do/uni- que regardant dans la corbeille , et expriment leur sur- prise. )

M O L T E I*.

Pardonnez-moi , je l'exige. ( donnant la corbeille à Cathe- rine* ) Tenez : Catherine. ( il lui parle bas, )

COMÉDIE. 4S

i d a , à part. Quel est donc son dessein ?

Catherine, vivement. Oui , monsieur. ( à part. ) Via une drôle d'idée, i d A , à Molten , qui la presse. Air : Daigne écouter l'amant fidèle et tendre. Mon dieu , monsieur...

MOLTEN.

Ida, je vous en prie.

CATHERINE, à Ida.

Acceptez donc puisque monsieur vous IMit. Ma chère enfant , un'Kgur' si jolie Ne gâte rien et de tout s'embellit.

Dominique, pendant que Molten conduit Ida

et Catherine. Que je serais donc content si on allait habiller Ida en belle dame ! ( Molten sonne , Goutmann paraît, )

SCENE XV.

MOLTEN, GOUTMANN, DOMINIQUE.

molten, se plaçant pour écrire . Mon cher Goutmann , j'ai du monde ce soir : il me faut un bon souper.

GOUT M A N N.

Monsieur , rien n'est plus facile.

MOLTEN.

Vous en serez , je vous invite.

G O U T M A* K N.

Monsieur est bien bon } mais je ne puis avoir cet honneur} j'ai ce soir ma belle-sœur et monsieur Ledoux. molten.

Eh bien , ils souperont avec nous. D'après ce que j'ai pro- mis de faire pour Catherine , il me faut un notaire.

GOUTMANN.

Justement j'en attends un pour un petit projet , relatif à ma belle-sœur... C'est notre voisin.

DOMINIQUE.

Je le connais , moi , j'ai aidé ce matin à rentrer son bois... Si monsieur veut j'irai...

46 IDA,

M O X. T E N.

Soit... Tiens tu lui remettras ce billet.

DOMINIQUE.

Oui , monsieur. ( // sort* )

GOUTMANN.

Moi , je vais donner des ordres pour votre soupe.

M O L T E N.

Que rien n'y manque , je vous en prie.

G O U T M A N N.

Soyez tranquille ( il sort, )

M O L T E N.

Aimable Ida... Quelle surprise je vais lui causer! mais la surprire sera-t-elle agréable ?

SCENE XVI. MOLTEN, Mad. GOUTMANN, LEDOUX. Mad. goutmann,*:/* entrant. Eli ! non , mon frère 5 vous ne savez pas...

Air : Courons de la brune à la blonde.

J'entre sans cérémonie , Et monsieur m'excusera : 11 devine , je parie , Que je viens parler d'Ida : C'est aussi ce qui m'amène; Sans doute il m'approuvera : Contre elle je conviens sans peine, Que j'avais de l'humeur ; Mais sa douceur, Sa candeur , Son bonheur , \ Mon bon cœur , Tout, monsieur, r Veut que je la reprenne.

MOLTEN.

Ah ! vous la reprenez ?

LEDOUX.

Oui , monsieur 5 c'est une chose convenue avec madame.

M O L T E ÛT.

Ah ! ah !

COMEDIE. 47

REDOUX.

Air : Vaud. de Frosine.

Elle est notre fait, voyez vous , À nous revenir je l'invite : Nous aurons pour elle , chez nous , Tous les égards quelle mérite : Oui , nous nous ferons une loi Delà rendre heureuse sans cesse : Madame le promet , et moi Je tiendrai sa promesse.

mol T B N.

II n'est plus tems , madame.,. J'ai trouvé une place pour Ida 5 je vais la lui proposer tout-à-l'heure , et j'espère qu'elle ne me refusera pas.

i. e d o u x , à part. Ah ! diable , ceci me dérange.

Mad. goût mann, à part. Je n'en suis pas fâchée.

l e d o u x. Quoi! monsieur, vous l'empêcheriez de rentrer chez ma- dame ?

M o L T e N. Si je la place plus avantageusement ?

Mad. goutma nn, avec joie et en bavarde. Il n'y a rien à dire : si c'est pour son bien , je ne m'y oppose pas } je^erai fort aise de la savoir heureuse. ( à part. ) Ail- leurs que chez moi. {haut. ) J'espère que monsieur ne me fait pas l'injure de me juger sur la scène de ce matin. . . Je suis un peu vive , et vous savez , monsieur , qu'il y a de cer- tains momens la personne la plus douce est emportée comme un torrent 5 mais , avec moi , cela ne dure pas , et quand il m'arrive d'avoir de ces petites vivacités , j'en suis si fâchée un quart-d'heure après , que j'en ferais volontiers des excuses à tout le monde.

M O L T E N.

On ne fait point d'excuse , madame , on se corrige.

e e d o u x 5 un peu à part. Oui , quand on le peut.

48 IDA,

SCENE XVII ET DERNIERE.

Lesprécédens,GOUTMANN, LE NOTAIRE, DOMINIQUE, ensuite ID A 9 CATHERINE.

GOUTMANN.

Venez , monsieur le notaire.

LE NOTAIRE, à Molten.

Voici , monsieur , les deux projets d'actes que vous desi- rez. ( lui en donnant un. ) Celui qui assure à Catherine une pension de cent cinquante florins.

m o e t e n , le prenant.

C'est cela.

DOMINIQUE.

Cent cinquante florins !

M O E T E N.

Paix.

LE NOTAIRE.

Quand à l'autre...

M O L T E N.

Mettez-vous , et écrivez.

( Le notaire se place à la table était Atolten , et celui- ci y pendant le commencement du morceau suivant , semble lui dicter ce qu1 il écrit. Ida paraît avec une belle robe. ) Catherine, amenant Ida , qui n'ose avancer se voyant si bien mise. Air : Avance donc. ( de Biaise et Babet. ) Eh ! mais v'nez donc.

Ida, restant au fond du théâtre*

Je n'ose pas. (bh )

CATHERIN S.

Mam'zelle Ida c'est une enfance.

G O V T M w*. N N.

l'assurance.

CATHERIKLB.

Mais quelle enfance ?

IDA.

Je n'ose pas , (on la presse.) je n'ose pas. Mad. ooutmann, qui ne l'avait point reconnue* Mais c'est Ida... Vraiment oui , c'est elle.

COMEDIE. H

L E I) O U X.

Eh! oui , vraiment... Ida , comme elle est belle.

Mad. GOUTMANN.

Moi , je n'en reviens pas.

M O L T E N.

Qu'elle est bien et qu'elle a d'appas !

Mad. GOUTMANN , LEDOUX.

Moi , je n'en reviens pas. (Us.)

M O L T E N.

Qu'elle a d'appas, (il va a elle.)

GOUTMANN , CATHERINE, DOMINIQUE.

Voyez , voyez , cet air de crainte et d'embarras #

m o l t e n , ramenant doucement.

Venez , venez plus d'embarras, (his.)

Mad. GOUTMANN.

Voyez , quelle métamorphose !

GOUTMANN , CATHERINE , DOMINIQUE.

Et mais, quelle en est la cause !

LEDOUX.

On en devine la cause.

Ida, montrant Molten. C'est monsieur qui l'a voulu. m p l t a k. Oui , c'est moi , cela m'a plu, De la marier je me propose. Parlez, qu'en pensez-vous, Ida?

1 D a. A ce projet tout s'oppose. .

MOLTEN.

Je veux fixer le sort d'Ida.

Mad. GOUTMANN, GOUTMANN, LEDOUX, CATHERINE, DOMINIQUE

Il veut marier Ida !

Mad. GOUTMANN , LEDOUX.

Le beau projet que voilà.

GOUTMANN, DOMINIQUE , I.EDOVX.

Il est bon , ce projet là.

M O L T E N , a Ida.

Approuvez ce projet là.

1 d a , a paru Ciel! ô ciel! que dit-il là!

MOLTEN. IDA.

Je ne veux que votre bonheur ; Si vous désirez mon bonheur, Parlez avec candeur , JN'ayez pas la rigeur

Consultez votre cœur. De contraindre mon cœur.

5o IDA,

OOUTMANN , CA.THERINB , D0M1N. Mad. GOUTMANW.

Ida , c'est pour votre bonheur , On doit aimer un prorecteur, Parlez avec candeur , Qui veut votre bonheur

Consultez votre cœur. Avec tant de chaleur.

LEDOVX.

Ma foi , cet adroit protecteur , Me donne de l'humeur, Et je lis dans son cœur.

M O L T E X.

Ida , consentez-vous à recevoir un mari de ma main ?

ida, avec timidité. Monsieur...

M O E T E N,

Répondez , et soyez sincère.

IDA.

Eh bien... je ne voudrais pas me marier.

m o L T E N.

Mais ? s'il s'agissait d'un honnête homme , ayant de la for- tune., assez de bonté... plein de franchise, pas trop jeune... et de mon âge , par exemple.

ida, vivement. De votre âge !

m o l T e n , à part» Elle se récrie ! mauvais signe ! ( haut, ) En un mot , si cet homme était Molten ?

tous, excepté Le doux. Molten !

l 'D a , toute interdite* Vous , monsieur !

l e d o u x , avec humeur. Il y a une heure que je l'ai deviné.

goutmann,û Molten. Mais , monsieur , votre promesse de bas...

M O E T EN.

Celle-là est devenue la femme d'un autre 5 je l'apprends par la lettre que vous m'avez remise tantôt; mais n'ayant jamais vu la demoiselle , je suis tout consolé.

IDA.

Elle vous refuse... Que je la plains !

Archives de la Ville de Bruxelles \ Archiefvan de Stad Baisse!

C O M E D I E,

m

M O L T E N.- Ida me refuserait-elle aussi ?

ida, avec chaleur et abandon. Mon dieu , monsieur, se peut-il. . . Mais non , non, cela ne sera pas 5 on vous blâmerait... ( se jettant aux pieds de Molten. ) Voyez donc ce que je suis... Puis-je jamais deve- nir votre heureuse compagne.

m o jl t e n , la relevant avec chaleur. Oui , sans doute , vous êtes l'objet de mon choix. Je vou- lais trouver dans ma femme de la modestie , de la bonté *, le ciel m'a fait connaître Ida... si vous m'acceptez pour époux , je l'en remercierai tous les jours de ma vie.

IDA.

Air : de Chaulieu..

Eh quoi i monsieur... puis-je le croire ! Vous m'éléveriez jusqu'à vous ! Ou'avec plaisir je m'en lais gloire , Et que mon sort me semble doux! lis. Si le sentiment le plus tendre Peut satisfaire vos souhaits, Péjà mon cœur me fait entendre Qu'il va payer tant de bienfaits , Tant de bienfaits,

Mad. g o u t m a N n , e/z bavarde. Croyez, ma chère Ida, que je prends une part bien sin- cère à cet heureux événement 5 je me félicite d'en être la cause , et je la suis en effet 5 car enfin , si vous n'étiez pas entrée chez moi...

cath erinEj montrant Vhabit que lui a donné

Ida. Dites donc si elle n'avait pas fait une bonne action.

IDA.

Et toi aussi , Catherine , tu seras heureuse. (Goutmann va parler bas à Ledoux et à madame Goût* mann^ pendant les phrases précédentes. )

DOMINIQUE.

Monsieur Molten , je serai-ti de la noce ?

M O L T E N.

Oui , mon ami.

52

IDA,

oout MANN, par suite de conversation. Il faut en finir ; c'est pour cela que je vous ai réunis ce soir 5 ainsi...

t X D O U X-

Madame Goutmann , vous avez de Pesprit , trop d*< pour ne pas sentir que je vous conviens.

Mad. G O U T M .A N N.

Oh ! nous verrons.

I. E D O U X.

Comment , vous cherchez un bon mari 3 je suis parisien , je me nomme Ledoux 3 et vous balancez !

m o l t e n , à madame Goutmann* Devenez bien vite madame Ledoux ", c'est ce que vous pou- vez faire de mieux

Mad. goutmann, soupirant. Ah ! ce n'est pas une petite affaire.

goutmann. Courage Hma sœur , une bonne résolution.

Mad. GOUTMANN,

Allons . je vois qu'on ne peut éviter...

1/ e d o u x. Son bonheur.

M O L T E N.

Nous l'obtenons aussi souvent du hasard que de notre sa- gesse.

Vaudeville..

Air : De la valse sautée.

Un hasard heureux Vaut mieux qu'esprit, savoir, jtrudcncc *,

Un hasard heureux Souyent prévient, , rempli nos vœux. Cliq^ir.

Un hasard heureux, etc. m o l t e n , à Ida.

Long tems incertains , A prendre femme je balance;

Je vous vois, soudain, Vous disposez de mon destin.

IDA.

, Puisse ma douceur,

Mes soins et ma reconnaissante >

COMEDIE. 53

Sans cesse , m onsieur , Vous faire dire , au fond du cœur, Avec le Chœur. Un hasard heureux > etc.

X. e d o v x. D'un triste allemand , La veuve restait en souffrance ;

Un français charmant Paraît et finit son tourment. Mad. goutmann, montrant Ledoux. Loin de son pays , Monsieur, sans bien, sans existence ,

Est un peu surpris De ce voir épouser gratis. Avec le Chœur. Un hasard heureux , etc.

OOtlTMANN,

Maint homme a talent, Tranquille, attend qu'à lui Ton pense,

Et maint ignorant , Sans cesse , se met en avant.

CATHERINE.

L'un , bien lentement , Gagne à peine sa subsistance s

L'autre , lestement, Fait fortune,., on sais bien comment. Avec le Chœur.

Un hasard heureux , etc. ida, au public.

Quand l'auteur d'Ida Voulut peindre la bienfaisance,

Sans doute, il compta Sur le sujet qu'il adopta (1;.

Si le dénouement Ne remplit pas son espérance ,

C'est qu'assurément Il a mal saisi le roman.

( 1 ) Un très-joli conte anecdotique de Mad. de Genlis , intitnlé le Jupon vert , a fourni le sujet de cette pièce, et si lecteur y a trouvé quelque chose d'agréable , c'est quand l'auteur a pu se rapprocher de son modèle ou lui emprunter quelque try.it.

H

IDA,

Mais en ce moment, S'il obtient votre bienveillance y

Il l'offre gai ment A l'auteur du conte charmant. Chœur*

Mais en ce moment, etc.

F I N.

Archives de la Ville do Bruxelles ArchiefvandeStadBrussel

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